
L’enseignement
Tout au long de sa vie, Abel-Rémusat poursuivra le même but : « défendre et illustrer » la langue et la culture chinoise. Pour cela, il faut d’abord enseigner et publier, pour les spécialistes et pour le grand public.
Le Collège de France : Dès 1812, avec l’appui de Silvestre de Sacy, « le prince des orientalistes », il cherche à faire créer une chaire de chinois au Collège de France, seule institution -avec l’Ecole des Langues Orientales- d’accueillir un tel enseignement.
L’enseignement
Tout au long de sa vie, Abel-Rémusat poursuivra le même but : « défendre et illustrer » la langue et la culture chinoise. Pour cela, il faut d’abord enseigner et publier, pour les spécialistes et pour le grand public.
Le Collège de France : Dès 1812, avec l’appui de Silvestre de Sacy, « le prince des orientalistes », il cherche à faire créer une chaire de chinois au Collège de France, seule institution -avec l’Ecole des Langues Orientales- d’accueillir un tel enseignement.
Devant les difficultés, il semble parfois se décourager : «l’affaire du Collège de France est à vau l’eau….tant pis pour ces messieurs et pour moi, je n’y pense plus; et j’enverrais de bon la littérature à tous les diables si j’étais assez adroit pour raboter une planche ou assez vigoureux pour scier du bois» (à Jeandet 20.09.1812). La Restauration lui rend un peu d’espoir…pour la médecine ! « J’ai dans le nouvel ordre des choses des amis….j’ai quelques raisons de croire que je pourrais être employé comme médecin dans la maison du Roi…»(à Jeandet 13.06.1814). Mais il continue à faire jouer ses relations (ce qui lui sera souvent reproché) et, malgré la concurrence de Guignes, arrive à ses fins : « par une ordonnance du 29 novembre dernier, S.M a créé deux nouvelles chaires au Collège Royal, l’une pour la langue et la littérature chinoise, l’autre pour la langue et la littérature sanscrite, et qu’elle a nommé pour les remplir MM. Abel-Rémusat et Chézy…Vous voyez que le Roi m’accorde bien plus que je ne lui demandais, bien plus que je n’osais ambitionner et même bien plus que je ne mérite… »(à Jeandet 08.10.1814).
Le 16 janvier 1815, Abel-Rémusat ouvre la première séance du Cours de langue et de littérature chinoise et de tartare-mandchou. Son long discours préliminaire est un plaidoyer enflammé pour la culture chinoise, soulignant « l’ignorance et les préjugés que les écrits même des missionnaires n’avaient pu complétement effacer ». Son programme comprend, entre autres, le texte de la stèle nestorienne, des passages de Confucius etc… Il rappelle aussi l’utilité du mandchou, comme langue d’approche du chinois.

Le Tao et Confucius
« Je me propose de faire successivement passer dans notre langue les différents ouvrages philosophiques et religieux qui n’ont pas encore été traduits du chinois » (1816)
Lorsque parut, en 1816, la traduction, par Abel-Rémusat, d’un petit manuel de morale taoïste, « le Livre des Récompenses et des peines », le Taoïsme était pratiquement ignoré en Occident. Confucius était un peu moins mal connu grâce aux missionnaires jésuites. L’introduction du manuel de morale, la traduction de « L’Invariable Milieu, ouvrage moral de Tséu-ssé… précédé d’une notice sur les quatre livres moraux…attribués à Confucius », l’article sur « La vie et les opinions de Lao-Tseu » première traduction partielle du Tao-Te-King, « La Philosophie chinoise » (publié à titre posthume) furent des publications pionnières dans le domaine scientifique, ouvrant la voie aux travaux de ses successeurs. De nombreuses notices dans la Biographie Universelle de Michaud ( reprises dans les Nouveaux Mélanges Asiatiques) vulgarisèrent ces connaissances dans le grand public.


Publiée en 1822, cette grammaire « était la première où la grammaire était exposée en tenant compte du génie propre de la langue chinoise…. le premier essai de synthèse logique et construction raisonnée de la langue chinoise… » (Henri Maspero, professeur au Collège de France). Dès sa parution, elle avait été saluée par des analyses enthousiastes dans toute l’Europe et aux Etats-Unis . Les éléments de la grammaire chinoise de 1822, témoignant d’une connaissance de la langue et des auteurs chinois sans rivale de son temps, passent à bon droit pour l’acte de naissance de la sinologie moderne ». Cette grammaire, devenue introuvable, a été rééditée en 1857 et reproduite en 1987, aux éditions ALA, avec une préface d’Alain Peyrelaube, professeur de linguistique chinoise à l’Ecole des Hautes Etudes.Publiée en 1822,

Les deux cousines
Dès sa parution en 1826, ce petit roman, précédé d’une longue préface, connut un succès immédiat en France et à l’étranger. Tout Paris en parle, on le lit dans les salons. Stendhal l’annonce à ses lecteurs anglais du New Monthly Magazine : « Je ne veux pas insister sur l’impression que m’ont fait quelques portraits de Ju-Kiao-Li quand j’ai entendu lire ce livre… Ce roman peint, à mon sens, un tableau aussi fidèle des mœurs de la Chine que Tom Jones des moeurs anglaises… »

Les « Conversations » de Goethe l’évoquent à plusieurs reprises : « ces jours-ci, j’ai lu un roman chinois qui m’occupe encore, qui me parait excessivement curieux. » (31.1.1827). Il est traduit en anglais dès 1827. Carlyle, Emerson s’y réfèrent, Thoreau le cite à plusieurs reprises dans son journal : Nourri de l’étude dix mille ouvrages divers / le pinceau à la main, on est pareil aux dieux. / Qu’on ne place pas l’humilité au rang des vertus / le génie ne cède jamais la palme qui lui appartient.
Abel-Rémusat, qui ne semble pas avoir pratiqué une modestie excessive, aurait pu reprendre ces quatre vers à son compte !